Espagne : L’âge moyen des voitures impacte-t-il les road trips ?
En bref:
- L’âge moyen des voitures en Espagne atteint 14,5 ans en 2025, avec 27,7% des véhicules ayant plus de 20 ans, impactant les road trips pour les touristes.
- Les Zones à Faibles Émissions et le vieillissement du parc automobile rendent la planification des itinéraires plus complexe, soulignant la nécessité d’une adaptation en matière de location et de transport.
- Le cyclotourisme et les alternatives écologiques gagnent en popularité, offrant des opportunités de découverte authentique à travers des régions moins fréquentées.
L’Espagne, destination phare pour les amateurs de road trips et d’itinéraires vélo, fait face à un phénomène qui transforme peu à peu l’expérience touristique : le vieillissement spectaculaire de son parc automobile. Installée dans la péninsule ibérique depuis plus de dix ans, j’ai vu le paysage routier espagnol évoluer considérablement. Aujourd’hui, les statistiques sont frappantes et leurs conséquences touchent directement nos escapades sur les routes espagnoles. Décryptage d’une tendance qui dessine une nouvelle réalité pour les voyageurs en Espagne.
Table des matières
- Un parc automobile vieillissant : les chiffres qui interpellent
- Les facteurs explicatifs de cette situation particulière
- Les conséquences directes sur les road trips en Espagne
- Comment adapter ses road trips face à cette nouvelle réalité ?
- L’impact sur le cyclotourisme et les itinéraires vélo
- L’avenir des road trips en Espagne : évolutions attendues
- Des opportunités à saisir malgré les défis
Un parc automobile vieillissant : les chiffres qui interpellent
Si vous avez récemment sillonné les routes espagnoles, vous avez peut-être remarqué la présence importante de véhicules plus âgés qu’ailleurs en Europe. Ce n’est pas une simple impression ! En 2025, l’âge moyen des voitures en Espagne atteint désormais le chiffre record de 14,5 ans, contre environ 11,2 ans en France.
Cette situation s’aggrave d’année en année. En 2020, l’âge moyen était de 13,1 ans, puis de 13,5 ans en 2021 et 14,2 ans en 2023. La progression est constante et préoccupante. Plus inquiétant encore, 27,7% du parc automobile espagnol est constitué de véhicules de plus de 20 ans, représentant près de 8,7 millions de voitures en circulation !
"Lors de mes trajets quotidiens entre Séville et la côte, je croise régulièrement des véhicules que l’on qualifierait de ‘vintage’ en France. Ce n’est pas du folklore, mais bien une réalité économique qui a des conséquences tangibles", me confie souvent María, une amie garagiste à Malaga.
Les segments les plus concernés par ce vieillissement sont les véhicules industriels, avec une moyenne de 15,1 ans, suivis des véhicules commerciaux affichant 14,7 ans au compteur. Les bus font figure d’exception avec "seulement" 11,5 ans de moyenne.
Les facteurs explicatifs de cette situation particulière
Un contexte économique déterminant
La crise financière de 2008 a frappé l’Espagne plus durement que d’autres pays européens, avec des effets qui se font encore sentir aujourd’hui. Le pouvoir d’achat des Espagnols s’est détérioré, rendant l’acquisition d’un véhicule neuf inaccessible pour beaucoup. Les salaires ont stagné tandis que les prix des voitures neuves augmentaient.
En parallèle, l’inflation galopante de ces dernières années a accentué le problème. À titre d’exemple, le prix moyen d’un véhicule neuf a augmenté d’environ 35% depuis 2015, tandis que les salaires n’ont progressé que de 12% sur la même période.
Des mesures incitatives insuffisantes
Contrairement à la France qui a mis en place des primes à la conversion particulièrement attractives, l’Espagne a tardé à proposer des aides significatives. Les plans "PIVE" (Programa de Incentivos al Vehículo Eficiente) ont connu des succès mitigés, souvent victimes d’enveloppes budgétaires insuffisantes et rapidement épuisées.
"J’ai tenté de bénéficier du plan MOVES III pour remplacer ma vieille Seat de 17 ans, mais les fonds étaient déjà épuisés en Andalousie quand j’ai constitué mon dossier," me racontait Pablo, un voisin de Grenade, illustrant parfaitement cette difficulté d’accès aux aides.
Une transition énergétique à deux vitesses
Bien que la transition vers les véhicules électriques soit officiellement encouragée, l’infrastructure nécessaire tarde à se déployer uniformément sur le territoire espagnol. Si les grandes villes comme Barcelone, Madrid ou Valence sont relativement bien équipées en bornes de recharge, les zones rurales – paradoxalement les plus propices aux road trips – restent largement sous-équipées.
En 2024, malgré une progression notable, les véhicules électrifiés ne représentent que 1,6% du parc automobile espagnol, avec 495.086 unités en circulation. La proportion est significativement plus faible dans les zones touristiques rurales.
Les conséquences directes sur les road trips en Espagne
Des restrictions de circulation croissantes
La législation espagnole exige désormais que toutes les villes de plus de 50.000 habitants mettent en place des Zones à Faibles Émissions (ZFE, ou "Zonas de Bajas Emisiones" en espagnol). Cette mesure, bien qu’écologiquement nécessaire, complique considérablement la vie des touristes.
Depuis janvier 2025, Saint-Sébastien a instauré une ZFE stricte dans son hypercentre. Pour y accéder, les véhicules étrangers doivent être préalablement enregistrés, et seuls ceux immatriculés après 2006 (essence) ou 2014 (diesel) sont autorisés. Les contrôles automatiques débouchent sur des amendes de 200 euros en cas d’infraction.
Bilbao et Pampelune ont également déjà mis en place leurs ZFE, tandis que Vitoria et Irun suivront courant 2025. Ces restrictions sont particulièrement problématiques pour les road trips multi-destinations, obligeant les voyageurs à s’enregistrer auprès de chaque municipalité visitée.
"J’ai dû renoncer à traverser le centre de Bilbao faute d’avoir pu enregistrer mon véhicule à temps. La procédure n’est pas toujours claire pour les touristes étrangers", m’a confié Julien, un ami français venu me rendre visite l’été dernier.
Des défis pour la location de véhicules
Le marché de la location de voitures en Espagne connaît une mutation significative en réponse à ces changements. Alors que la demande touristique atteint des sommets historiques (avec 94 millions de visiteurs en 2024), les flottes de location peinent à se renouveler.
La pénurie de semi-conducteurs et les difficultés d’approvisionnement ont ralenti le renouvellement des flottes. Conséquence directe : des prix en hausse et une tendance à proposer des véhicules plus âgés qu’auparavant.
En haute saison, il n’est pas rare que certaines agences proposent des véhicules de plus de 5 ans, avec parfois un kilométrage conséquent. Pour le voyageur peu informé, cela peut transformer un road trip de rêve en cauchemar mécanique.
Les implications pour la sécurité et le confort
Le vieillissement du parc automobile n’est pas sans conséquence sur la sécurité routière. Les véhicules plus anciens sont généralement moins équipés en systèmes d’assistance à la conduite (ADAS) et en dispositifs de sécurité passive.
Comme le souligne José López-Tafall, directeur général de l’association des constructeurs Anfac, "ces véhicules anciens sont particulièrement préoccupants, non seulement en termes d’émissions, mais aussi parce qu’ils intègrent moins de systèmes ADAS et de sécurité que les véhicules récents."
Pour les amateurs de road trips qui parcourent parfois plusieurs centaines de kilomètres quotidiennement, cette différence peut s’avérer significative, notamment sur les routes sinueuses de montagne (dont nous parlions ici) où abondent les itinéraires les plus spectaculaires d’Espagne.
Comment adapter ses road trips face à cette nouvelle réalité ?
Repenser son itinéraire en fonction des ZFE
Face à la multiplication des Zones à Faibles Émissions, planifier minutieusement son itinéraire devient essentiel. Voici mes conseils pratiques :
- Vérifiez systématiquement les villes équipées de ZFE sur votre trajet
- Pré-enregistrez votre véhicule sur les plateformes municipales concernées
- Prévoyez des itinéraires alternatifs contournant les centres-villes
- Privilégiez les parkings périphériques avec connexions en transport public
Les applications comme Waze commencent à intégrer les informations relatives aux ZFE, mais elles ne sont pas toujours à jour. Je recommande vivement de consulter les sites officiels des municipalités concernées.
Nouvelles pratiques de location de véhicules
Pour les touristes optant pour la location, voici quelques astuces que j’ai peaufinées au fil de mes expériences :
- Réservez très en avance (minimum 2-3 mois) pour accéder aux véhicules les plus récents
- Examinez attentivement l’âge du véhicule proposé (demandez cette information explicitement)
- Optez pour des agences internationales qui renouvellent plus fréquemment leurs flottes
- Envisagez la location de véhicules électriques pour un accès garanti aux ZFE
"Pour mon dernier road trip en Catalogne, j’ai opté pour un SUV hybride chez Sixt. Le surcoût initial a été largement compensé par l’accès facilité aux centres historiques et les économies de carburant", raconte Christine, une touriste belge rencontrée à Barcelone.
Les alternatives écologiques et pratiques
Les défis liés à l’âge moyen élevé des véhicules espagnols peuvent aussi être une opportunité de repenser nos habitudes de voyage. Plusieurs alternatives s’offrent aux voyageurs :
Les itinéraires intermodaux
J’expérimente régulièrement des combinaisons train + vélo qui offrent une flexibilité surprenante. La RENFE (équivalent espagnol de la SNCF) a considérablement amélioré ses services pour les cyclistes ces dernières années. Certaines lignes régionales acceptent désormais les vélos sans réservation préalable.
Les voyages en étoile
Plutôt qu’un road trip classique avec changement d’hébergement quotidien, optez pour une base fixe à partir de laquelle vous rayonnez en voiture (ou à vélo). Cette formule limite les contraintes liées aux ZFE et réduit l’impact environnemental.
La mobilité électrique en plein essor
L’Espagne accélère le déploiement de bornes de recharge, notamment dans les zones rurales et les "paradores" (hôtels d’État souvent situés dans des bâtiments historiques). Cette évolution facilite l’utilisation de véhicules électriques pour des road trips, même hors des grandes agglomérations.
En Cantabrie, un nouvel itinéraire appelé la "route verte" propose désormais des bornes rapides tous les 50 kilomètres environ, permettant de profiter sereinement des paysages côtiers sans anxiété liée à l’autonomie.
L’impact sur le cyclotourisme et les itinéraires vélo
Le vieillissement du parc automobile espagnol et les restrictions qui en découlent ont également des répercussions sur le cyclotourisme, de plus en plus populaire dans la péninsule.
Une cohabitation parfois difficile
Les véhicules plus anciens sont généralement moins silencieux et plus polluants, ce qui peut dégrader l’expérience cycliste, particulièrement sur les routes secondaires prisées des cyclotouristes.
Par ailleurs, les systèmes d’assistance à la détection des cyclistes sont rarement présents sur les véhicules de plus de 10 ans, augmentant potentiellement les risques d’accidents.
Un développement accéléré des infrastructures cyclables
Face à ces défis, l’Espagne investit massivement dans le développement de son réseau cyclable. Les "Vías Verdes" (voies vertes) sont d’anciennes voies ferrées reconverties en itinéraires cyclables sécurisés. Le réseau compte actuellement plus de 2.100 km répartis sur 107 itinéraires.
Dans le même temps, les grandes villes développent leurs infrastructures : Séville dispose désormais de 180 km de pistes cyclables, et Barcelone de 240 km.
Les itinéraires vélo comme alternative aux road trips traditionnels
Pour les voyageurs soucieux de contourner les contraintes liées au vieillissement du parc automobile, les itinéraires vélo représentent une alternative séduisante. Voici mes recommandations d’itinéraires testés et approuvés :
- La Via Verde de la Sierra (Cadix-Séville) : 36 km de parcours spectaculaire avec tunnels et viaducs
- L’EuroVelo 8 le long de la Costa Brava : des paysages méditerranéens à couper le souffle
- La Transpyrénéenne : pour les plus sportifs, un défi extraordinaire à travers les montagnes
"J’ai découvert l’Andalousie à vélo l’an dernier, et cette expérience a complètement transformé ma perception du voyage. La lenteur devient une qualité, permettant une immersion totale dans les paysages et la culture locale", témoigne Marc, un cyclotouriste français croisé sur la Via Verde de la Sierra.
L’avenir des road trips en Espagne : évolutions attendues
Les projections pour le parc automobile
Selon les experts, le vieillissement du parc automobile espagnol devrait se poursuivre au moins jusqu’en 2027. Toutefois, plusieurs facteurs pourraient inverser progressivement cette tendance :
- Le renforcement des programmes d’incitation à l’achat de véhicules propres
- L’augmentation progressive des restrictions de circulation pour les véhicules les plus anciens
- La reprise économique post-pandémique qui redonne du pouvoir d’achat aux ménages
Le marché des voitures d’occasion reste très dynamique, avec une hausse de 8,6% en 2024 et plus de 2,1 millions d’unités vendues. Cette tendance témoigne d’une stratégie d’adaptation des consommateurs face à un contexte économique tendu.
Comment le secteur touristique s’adapte
Les professionnels du tourisme prennent progressivement conscience des défis liés au vieillissement du parc automobile. Les initiatives novatrices se multiplient :
- Des "casas rurales" qui s’équipent de bornes de recharge pour attirer les propriétaires de véhicules électriques
- Des tours opérateurs qui proposent des formules "mobilité douce" combinant train et location de vélo
- Des applications dédiées qui facilitent la planification d’itinéraires en fonction des ZFE
La région de Catalogne figure à l’avant-garde de cette transformation, avec un plan ambitieux visant à équiper tous ses sites touristiques majeurs de solutions de mobilité durable d’ici 2030.
Conseils pratiques pour les road trips de demain
Face à ces évolutions, voici mes recommandations pour profiter pleinement des road trips en Espagne dans les années à venir :
- Misez sur des périodes hors-saison (avril-mai ou septembre-octobre) pour moins de trafic et des températures idéales
- Combinez différents modes de transport pour une expérience plus riche et plus écologique
- Explorez l’Espagne intérieure, moins touchée par les restrictions et souvent méconnue des touristes
- Intégrez dans votre planification les nouvelles contraintes liées aux ZFE
- Pour les longs séjours, envisagez l’achat d’un véhicule d’occasion récent plutôt que la location
"Les contraintes d’aujourd’hui nous poussent à réinventer nos façons de voyager", me confiait récemment Carlos, propriétaire d’une agence de voyages spécialisée dans les road trips écologiques. "L’avenir appartient aux itinéraires hybrides, qui combinent intelligemment différents modes de transport."
Des opportunités à saisir malgré les défis
Le vieillissement du parc automobile espagnol et ses conséquences sur les road trips peuvent sembler préoccupants. Pourtant, ces défis ouvrent aussi de nouvelles perspectives pour un tourisme plus diversifié et plus durable.
La redécouverte de l’Espagne authentique
Les restrictions de circulation dans les grandes villes encouragent les voyageurs à explorer des régions moins connues. L’Estrémadure, la Castille-et-León ou la Galice intérieure offrent des paysages grandioses et une authenticité préservée, loin des foules touristiques.
Ces régions, moins concernées par les ZFE et les problèmes de congestion, constituent un terrain idéal pour des road trips sereins. Leurs routes secondaires peu fréquentées sont parfaites pour apprécier la conduite en toute tranquillité.
Le cyclotourisme comme nouvelle frontière
Le boom du vélo électrique transforme complètement l’accessibilité des itinéraires cyclables. Des régions autrefois réservées aux cyclistes aguerris s’ouvrent désormais à un public plus large.
L’Espagne l’a bien compris et investit massivement dans ce secteur. Avec une production nationale de vélos en hausse de 2,9% en 2024, portée notamment par l’essor des modèles électriques, le pays se positionne comme un acteur majeur du cyclotourisme européen.
"Chaque défi est une opportunité déguisée", comme me le rappelle souvent mon ami Miguel, guide cycliste dans la Sierra Nevada. "Les contraintes routières actuelles accélèrent la transition vers un tourisme plus responsable et finalement plus enrichissant."
Une nouvelle approche du voyage routier
Plutôt que de voir le vieillissement du parc automobile comme un obstacle, nous pouvons l’appréhender comme une invitation à repenser notre rapport au voyage routier. Un road trip réussi ne se mesure pas aux kilomètres parcourus, mais à la qualité des expériences vécues.
Dans cette perspective, l’Espagne offre un terrain d’expérimentation passionnant. Sa diversité géographique, culturelle et gastronomique permet d’envisager des road trips de proximité, centrés sur l’immersion plutôt que sur la distance.
Les nouvelles infrastructures de recharge électrique, notamment dans les zones rurales, facilitent également l’adoption de pratiques plus durables sans renoncer à la liberté qu’offre un road trip.
Passionnée par mon pays d’adoption depuis plus d’une décennie, je reste convaincue que l’Espagne continuera d’enchanter les amateurs de voyages routiers, malgré les défis posés par le vieillissement de son parc automobile. C’est dans l’adaptation et l’innovation que réside la clé des road trips de demain – plus respectueux, plus diversifiés et finalement plus enrichissants.